Définition, histoire et propriétés

Qu’est-ce que la spiruline ?

Un complément alimentaire à haute valeur nutritionnelle et thérapeutique

La spiruline (Arthrospira platensis), autrefois classée parmi les « algues bleues-vertes », n’est pas à proprement parler une algue, même si par commodité on continue à la désigner comme telle. C’est un micro-organisme, une cyanobactérie, qui se développe rapidement par photosynthèse. Elle croît naturellement dans les eaux alcalines de certains lacs, dans un milieu aquatique saumâtre et chaud.

D’une taille de l’ordre de 0,1 mm, elle se présente généralement comme un minuscule filament vert enroulé en spires plus ou moins serrées et nombreuses, suivant les souches.

Consommée depuis des siècles par certaines populations et de nos jours encore au Tchad, la spiruline est aujourd’hui utilisée comme un complément alimentaire à haute valeur nutritionnelle et thérapeutique. Elle est très riche en micronutriments facilement absorbés par l’organisme humain – bêta-carotène (à partir duquel est formée la vitamine A), fer, vitamine B12, acide gamma-linoléique, acides gras essentiels, etc. Ces micronutriments permettent à l’organisme d’assurer sa croissance et de maintenir ses fonctions vitales.

Le génome de la spiruline séquencé par Antenna

Le génome de la spiruline a été entièrement séquencé et enregistré en juillet 2009 par Antenna Technologies, deux entreprises privées suisses –  Biorigin SA et Fasteris, ainsi que la Haute Ecole Spécialisée Hepia de Genève, représentée par le groupe de recherche Plantes et Pathogènes.

En enregistrant le génome de la spiruline à GenBank, ils ont choisi de le rendre accessible publiquement et gracieusement à tous les utilisateurs potentiels et ont ainsi empêché son brevetage. Toute personne intéressée peut ainsi aller plus vite et plus loin dans les multiples utilisations potentielles de la spiruline. Parmi celles-ci citons les applications nutritionnelles, l’écologie industrielle par séquestration de carbone ou encore la production de molécules à usage thérapeutique.

Le séquençage complet de la spiruline permet aussi aux chercheurs d’Antenna de répondre à une inquiétude parfois manifestée par certains biologistes : beaucoup de cyanobactéries peuvent en effet produire, dans certaines circonstances, des toxines redoutables ; qu’en est-il de la spiruline ?

Une cyanobactérie alimentaire

Les cyanobactéries forment l’essentiel des bactéries capables de photosynthèse avec production d’oxygène. Elles peuvent être unicellulaires ou pluricellulaires ; dans ce dernier cas, leurs cellules s’arrangent en amas de type colonies ou, le plus souvent, en filaments composés de cellules alignées. Ces filaments sont appelés trichomes.

Ce sont de vrais procaryotes, des organismes dépourvus de membrane nucléaire – malgré leur système photosynthétique proche de celui des eucaryotes car contenant de la chlorophylle-a et un photosystème II (PS-II).

Ce photosystème, ainsi que les pigments photosynthétiques, les pigments accessoires et les composants du transport d’électrons, sont inclus dans des membranes thylacoïdes comportant des granules dites « phycobilisomes ». Ces granules contiennent en particulier un pigment essentiel au transport de l’énergie vers le PS-II, la phycocyanine. La phycocyanine est une protéine contenant un groupement prostétique de type polypyrrole qui lui confère une couleur bleue, ainsi qu’une fluorescence rouge exceptionnellement efficace.

Les cyanobactéries assimilent le carbone à travers le cycle de Calvin et stockent énergie et carbone sous forme de glycogène. Les cyanobactéries varient considérablement dans leurs schémas métaboliques, mais ont en commun l’absence de cycle de Krebs complet.

Beaucoup de cyanobactéries, surtout parmi les filamenteuses, sont capables de réduire (« fixer ») l’azote de l’air, grâce à des structures spécialisées appelées hétérocystes.

En savoir plus : Quelques bases scientifiques et analyse de l’ADN de la spiruline, Antenna Technologies, 2009

Histoire de la spiruline

Redécouverte de la spiruline au tchad

Les premiers écrits concernant la spiruline datent du XVIe siècle, lorsque les Espagnols partirent à la conquête de l’Amérique du Sud, et notamment au Mexique. Elle était consommée par les Aztèques qui la collectaient sur l’eau des lacs et la mélangeaient avec du maïs. La spiruline fut redécouverte par une mission scientifique européenne au Tchad dans les années 1950. On trouvait sur les marchés de la région du Kanem des galettes séchées d’une teinte verte tirant sur le bleu, portant le nom de « dihé ». L’enquête montra que le « dihé » provenait de masses d’un micro-organisme unique récolté à la surface de mares fortement alcalines et séché à même le sable des berges.

Ce micro-organisme, capable de photosynthèse et se reproduisant rapidement, fut appelé « spiruline » de par l’aspect de filament spiralé qu’il présente au microscope. Sa dénomination scientifique est Arthrospira platensis.

La région du Kanem, au Tchad, est désertique mais elle est parsemée de petites lagunes temporaires, les waadis. Grâce à un sous-sol riche en un mélange de carbonates et de sel (le natron), les eaux de ces waadis sont fortement alcalines, un milieu très favorable à la croissance de la micro-algue. Depuis des siècles, cette denrée très particulière et très recherchée est consommée dans toute la région du Kanem ; elle fait aussi l’objet d’un intense trafic à travers le Sahel. Périodiquement, les femmes de la région récoltent la spiruline des waadis en filtrant l’eau à travers des paniers de vannerie serrée. La masse de spiruline récoltée ressemble alors à une purée d’un vert profond. Afin de pouvoir la conserver en vue de la vendre, on la sèche au soleil, à même le sable. La spiruline est ensuite cassée en gros fragments qui se conservent longtemps en climat sec.

L’utilisation de la spiruline aujourd’hui

C’est dans les années 1970 que le docteur Ripley D. Fox, un grand promoteur de la spiruline à travers le monde, encouragea et créa des sites de production de spiruline – en Inde, en Afrique, au Vietnam, au Pérou, en Chine – les fermes de spiruline. Le but était d’apporter une réponse aux pays du tiers monde pour lutter contre la malnutrition et la famine, notamment celle des enfants.

La spiruline a généré des attentes auprès du grand public occidental, dont l’intérêt pour les compléments nutritifs naturels ne cesse de croître. La spiruline est commercialisée de très longue date aux USA, en Europe, au Japon et en Chine, où elle est produite en masse par des grands laboratoires de l’industrie ; mais certains procédés de production, notamment de séchage, font que la spiruline produite perd souvent de ses qualités nutritionnelles.

On observe un fort développement de la production de spiruline en Chine, qui représente à elle seule 50% du marché mondial. La Chine l’a déclarée aliment national.

Les études scientifiques sur les avantages nutritionnels et thérapeutiques de la spiruline se multiplient et viennent appuyer cet essor. Mais la reconnaissance des vertus de la spiruline se fait attendre et freine son développement dans les pays en développement, où de petites fermes se multiplient pour distribuer la spiruline aux enfants malnutris.

C’est son impressionnante teneur en protéines, en lipides essentiels rares, en nombreux minéraux et vitamines, ainsi que sa vitesse de croissance dans des milieux totalement minéraux, qui ont attiré l’attention des chercheurs, des industriels et d’organisations comme Antenna. Dépourvue de paroi cellulosique, la spiruline est parfaitement digeste, crue ou séchée. De nombreux tests nutritionnels ont prouvés la biodisponibilité de ses micronutriments.

L’expérience d’Antenna sur le terrain montre qu’un enfant souffrant de malnutrition légère et modérée peut être rétabli avec 1 à 3 grammes de spiruline par jour pendant 4 à 6 semaines. Dans les nombreuses fermes de culture créées avec le soutien d’Antenna, on constate qu’il est facile d’obtenir une spiruline ayant conservé ses bienfaits nutritionnels.

Que contient la spiruline ?

  • Une exceptionnelle teneur en protéines (entre 50 et 70% de son poids sec, presque deux fois plus que le soja)
  • Une exceptionnelle teneur en provitamine A – bêtacarotène (un gramme de spiruline couvre les besoins quotidiens en vitamine A d’une personne adulte)
  • Une exceptionnelle teneur en vitamine B12 (4 fois plus que le foie cru)
  • Une exceptionnelle teneur en fer, et une teneur élevée en minéraux tels que phosphore, potassium, calcium, magnésium, sélénium, iode
  • Produite dans un milieu de culture adéquat (en ajoutant du zinc dans les bassins de culture), la spiruline devient aussi une excellente source de zinc
  • Une teneur très élevée en acide gamma-linolénique (acide gras précurseur de médiateurs intervenant dans les processus anti-inflammatoires et immunitaires), ce qui fait d’elle la deuxième source de ce nutriment après le lait maternel
  • Des vitamines B1, B2, B3, B5, B6, B7, B8, B9, vitamine D, vitamine E, vitamine K
  • 8 acides aminés essentiels qui ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme: isoleucine (indispensable à la croissance), leucine (stimule les fonctions cérébrales), lysine (nécessaire pour la production des anticorps, des enzymes et des hormones), méthionine (riche en soufre et propriétés antioxydantes), phénylalanine (indispensable à la thyroïde), thréonine (améliore la fonction intestinale et digestive), tryptophane (régulateur de la sérotonine) et valine (stimulant naturel des capacités mentales et physiques).
  • Une quinzaine de pigments, dont la chlorophylle et la phycocyanine – anti-inflammatoire, antioxydante, antitumorale.

En savoir plus : Spiruline : Aspects nutritionnels, J. Falquet et J.-P. Hurni, Antenna Technologies, 2006

Aspects thérapeutiques

Efficace dans le traitement de la malnutrition, la spiruline présente également des effets antiviraux et immunostimulants cliniquement significatifs chez des personnes infectées par le VIH. La spiruline renferme plusieurs molécules ayant fait l’objet d’études pour leurs activités biologiques. Les propriétés immunostimulantes et antivirales de la spiruline présentent notamment un grand intérêt dans la malnutrition, qui affaiblit les défenses immunitaires de l’enfant malnutri.

Des données montrent d’importantes potentialités de la spiruline chez des personnes malnutries et infectées par le VIH en Afrique.

Cette étude, menée au Cameroun et publiée le 2 mai 2011 dans Nutrition and Metabolic Insights, montre l’efficacité nutritionnelle de la spiruline en termes de prise de poids chez des personnes malnutries infectées par le VIH. Cette étude montre également le regain de marqueurs d’immunité et une diminution de la charge virale liée à ses propriétés thérapeutiques additionnelles, des observations cliniques particulièrement intéressantes chez ce profil de patient immunodéprimé. Les auteurs concluent que cette nouvelle étude conforte l’intérêt de « considérer la spiruline de manière routinière chez ce type de patients ».

La prise en charge nutritionnelle des personnes atteintes du SIDA reste un problème préoccupant en Afrique, notamment parce que malnutrition et infection par le VIH se favorisent mutuellement. La spiruline, sur la base de sa composition en micronutriments, de son potentiel pour la santé et le fait qu’elle soit cultivable localement, présente des avantages majeurs dans la lutte contre la malnutrition. Outre ses propriétés nutritionnelles spécifiques, elle présente également des propriétés thérapeutiques particulièrement intéressantes chez ce type de patients, notamment antivirales et immunostimulantes.

Plusieurs études cliniques ont évalué l’efficacité d’une approche basée sur la spiruline sur l’évolution des paramètres de suivi anthropométriques, biologiques et nutritionnels chez des patients malnutris et infectées par le VIH en Afrique. Au Burkina Faso, une étude pionnière de réhabilitation nutritionnelle portant sur 170 enfants avait par exemple démontré un impact particulièrement favorable dans la renutrition des enfants infectés par le VIH avec de la spiruline produite localement.

Cette étude a été menée avec la spiruline auprès de 52 adultes malnutris, VIH-positifs et naïfs aux traitements antirétroviraux. Randomisée et en simple-aveugle, elle comparait un groupe de patients recevant une supplémentation en spiruline avec un groupe recevant une supplémentation comparable de soja, un complément alimentaire standard dans la réhabilitation nutritionnelle.

Les paramètres biologiques des patients furent mesurés à l’inclusion et à l’issue de 12 semaines de suivi.  Au terme des 12 semaines de suivi, le poids et l’indice de masse corporelle (BMI) avaient significativement augmenté dans les deux groupes (P=0.01). Dans les deux groupes, les marqueurs d’activité immunologiques CD4 ont également significativement augmenté (P<0.001). Toutefois, l’augmentation fut significativement plus importante dans le groupe recevant de la spiruline (P=0.02). De même, dans les deux groupes, la charge virale VIH a significativement diminuée. La diminution fut également significativement plus marquée chez les patients recevant de la spiruline (P=0.02).

Lire l’article de M. Azabji-Kenfack et collègues: Potential of Spirulina Platensis as a Nutritional Supplement in Malnourished HIV-Infected Adults in Sub-Saharan Africa: A Randomised, Single-Blind Study. Nutrition and Metabolic Insights 2011:4 29–37.